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l’hôtel fut un signal qui remit chacun à son poste. Mademoiselle Julie s’enfuit dans le cabinet de toilette ; Richard prit un paquet de lettres arrivées de la veille, et qu’un peu de négligence lui faisait remettre le lendemain à sa maîtresse. Et madame de Nangis les décacheta, en embrassant la petite Isaure, qui venait au-devant de sa mère avec tout le plaisir d’un enfant qui interrompt une leçon ennuyeuse, pour aller remplir un devoir amusant.

— Ah ! dit madame de Nangis, en s’adressant au Chevalier d’Émerange, voici des nouvelles de Nevers. Ma belle-sœur arrive décidément jeudi. Je vous en préviens, chevalier, c’est une personne charmante.

— À Nevers, peut-être ?

— Oui, monsieur, à Nevers, et partout ; un joli visage, une belle taille, et beaucoup d’esprit, sont appréciés dans tous les pays.

— Et c’est auprès de vous que madame de Saverny compte faire valoir tous ces avantages ? Je la plains.

— Vous me flattez aujourd’hui à ses dépens, reprit en souriant madame de Nangis, bientôt vous la louerez aux miens. Je vous connais ; la beauté a sur vous un empire absolu ; votre admiration pour elle va jusqu’au délire. C’est avec cet amour du beau en général, que vous avez trompé tant de jolies femmes qui se croyaient tendrement aimées, lorsqu’elles n’étaient que passionnément admirées.

— En vérité, madame, je ne puis accepter l’honneur que vous me faites ; car, non-seulement j’ai fort