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dans les réponses du chevalier une certaine amertume qui devait piquer sa belle-sœur ; et tout ce qui semblait nuire à leur intimité rassurait la comtesse. Jamais sécurité ne fut plus mal fondée, car pendant que le chevalier plaisantait Valentine sur la prétendue mélancolie qui lui faisait rechercher l’aspect des plus tristes lieux pour en rapporter les sentiments les plus gais, il admirait cette variété d’impressions qui la rendaient tour à tour si mélancolique et si piquante, et se peignait d’avance tout le plaisir réservé à celui qui pourrait d’un seul mot faire naître la tristesse ou la joie sur ce beau visage.

Malgré sa finesse et sa grande habitude d’observer, M. d’Émerange se flattait d’être pour beaucoup dans les agitations du cœur de Valentine : on s’étonnera peut-être de voir un homme d’esprit se tromper aussi lourdement sur les vrais sentiments d’une femme ; mais quand on réfléchira que le chevalier, sans cesse témoin des hommages qu’on offrait à la marquise, avait pu se convaincre que nul n’était payé de la moindre préférence ; que de plus, il s’était assuré, par M. de Nangis, de la parfaite indifférence de sa sœur pour ses voisins de Saverny ; et qu’enfin tout décelait dans les actions de Valentine le trouble intérieur qui naît d’un sentiment combattu, on trouvera bien simple que M. d’Émerange s’en attribuât l’honneur ; mais si toutes ses raisons ne justifiaient pas assez l’excès de sa présomption, l’expérience l’expliquerait suffisamment. Car personne n’ignore