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pentir, la reconnaissance et l’amour, se peignaient à chaque ligne. L’espérance d’être aimé s’y laissait entrevoir à travers les regrets d’un amour sans espoir. Un reste de sentiment jaloux se mêlait aux serments de ne plus offenser par d’injustes reproches celle dont on n’avait pas le droit d’enchaîner la liberté. Pour le sacrifice de la vie entière, on n’exigeait d’autre retour qu’un peu d’amitié et quelque confiance : mais la moindre preuve d’indifférence frapperait d’un coup mortel le cœur le plus dévoué. Enfin, cette lettre était un chef-d’œuvre de passion. C’est avouer qu’elle n’avait pas le sens commun. Aussi Valentine en fut-elle enchantée ; la joie qu’elle en ressentit donna à sa physionomie une expression si différente de celle qu’on y avait remarquée la veille, que madame de Nangis ne put s’empêcher de lui dire que l’aspect des tombeaux produisait sur elle d’étranges effets.

— Je vous ai vue, ajouta-t-elle, revenir quelquefois de l’Opéra, l’air triste et abattu, mais vivent les cimetières pour vous rendre à la gaieté !

Valentine était de trop bonne humeur pour s’offenser de cette mauvaise plaisanterie ; le chevalier d’Émerange y joignit les siennes en tâchant de les rendre piquantes, mais la marquise s’amusait à déconcerter leur malice par de vives reparties que la fatuité du chevalier lui faisait regarder comme autant d’agaceries de la part de Valentine. Cette petite lutte plaisait assez à la comtesse ; elle remarquait