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lentine ; et ce simple mot pardon, avait causé tout le trouble de son âme. Que de choses ce mot disait à Valentine ! Pouvait-elle méconnaître la main qui l’avait tracé, et ne pas deviner que la crainte de voir renvoyer sa lettre n’eût engagé le coupable à se servir d’un autre interprète ! Ce seul mot lui apprenait que le commandeur l’avait trahie, que son ressentiment était connu, et qu’on voulait l’apaiser. En fallait-il davantage pour livrer son cœur aux plus douces conjectures ?

Dès ce moment Love devint le favori de Valentine et le meilleur ami d’Isaure, qui s’étonna beaucoup de lui voir caresser M. de Saint-Albert la première fois qu’il vint chez sa tante, comme s’il avait revu une ancienne connaissance. Ce nom de Love avait remplacé le mot gravé sur le collier, et semblait y répondre. Cependant Valentine persistait dans la résolution de laisser ignorer sa clémence ; elle craignait qu’un premier tort aussi facilement pardonné ne fût suivi d’un tort moins excusable, et quelque chose l’avertissait que, sa faiblesse une fois connue, elle perdrait pour toujours son indépendance. Ce raisonnement soutint quelque temps son courage ; mais il succomba bientôt à l’ennui d’une existence que rien n’animait plus à ses yeux. Le plus grand des inconvénients de l’amour n’est pas dans les peines qu’il cause, mais dans l’habitude de ces mêmes agitations dont le cœur ne peut plus se passer. Ces longues journées, passées sans l’espérance de recevoir une