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pouvoir lui témoigner le ressentiment qu’elle éprouvait ; la crainte, mieux fondée encore, de trahir sa faiblesse par quelque regard trop indulgent ; et puis cette petite férocité amoureuse qui fait jouir de l’idée que le coupable se désole peut-être en nous attendant vainement ; tout se réunit pour décider Valentine à fuir Anatole. Elle se promit de ne pas répondre à sa dernière lettre, de n’en plus recevoir de lui, et de rassembler toutes les forces de sa raison et de son esprit pour détruire l’impression qu’il avait faite sur son cœur : elle alla jusqu’à s’accuser de folie, en pensant qu’elle avait pu se flatter un instant de trouver quelque bonheur à captiver les sentiments d’un homme qui devait lui rester éternellement inconnu. Elle se reprocha de lui avoir donné le droit de la croire une femme légère, et finit par le justifier à ses dépens. Que résulta-t-il de tant de beaux raisonnements, de tant de sages résolutions ? Vous l’avez déjà deviné, vous dont l’amour a tourmenté ou embelli la vie.



XXIII


Valentine ne pouvant surmonter la tristesse qui l’accablait, prit le parti de se retirer d’assez bonne heure, malgré les instances que firent le commandeur et sa nièce pour l’engager à entendre deux scènes d’une tragédie nouvelle que l’auteur avait promis de lire après souper. Mais, pour être digne d’une