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vois de rapport entre cette femme et vous. Ce visage offre l’image parfaite d’une personne qui ne saurait vivre sans aimer, et vous savez qu’avec le vôtre on se contente de plaire.

À cette première injure le chevalier en ajouta d’autres sur la froideur, l’insensibilité de Valentine : il finit par conclure que le bonheur d’être admirée remplirait tous les instants de sa vie, et qu’elle était condamnée à ignorer toujours les plaisirs de la tendresse. Il prononça cette sentence avec l’accent de pitié que l’on prend ordinairement en parlant d’une maladie incurable, qui ne permet plus de rien attendre du malheureux qui en est atteint.

Cette manière de la juger déplut à Valentine ; elle n’avait nulle envie de détromper le chevalier, en lui témoignant plus d’affection, mais elle était blessée de l’idée qu’il n’attribuât son indifférence qu’à la sécheresse de son cœur ; et cela, dans le moment même où ce cœur était si douloureusement affecté d’un sentiment tendre ! Cette réflexion la rendit à toutes les pensées tristes dont la réconciliation sincère de sa belle-sœur l’avait distraite un instant. Elle en parut absorbée. Le chevalier et madame de Rhétel le remarquèrent, l’un s’en réjouit ; l’autre tâcha de dissiper la tristesse dont elle ignorait la cause. Dans cette espérance, madame de Rhétel proposa à la marquise de profiter de l’heure qui leur restait avant le souper, pour aller voir le ballet nouveau. Mais Valentine refusa obstinément. La crainte de revoir Anatole sans