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prendre le ton qui convenait le mieux aux gens qu’il avait intérêt de captiver, et cette réflexion lui faisait craindre de voir cette amitié durer beaucoup trop longtemps pour le repos de toute sa famille. Le sien en fut le premier troublé, car à la suite d’une soirée que le chevalier avait passée dans la loge de madame de Saverny, voici le billet qu’elle reçut :


ANATOLE À VALENTINE.

« Serait-il possible que l’être le plus parfait se fût laissé séduire par les agréments frivoles d’un homme incapable d’aimer ; tant de beauté, de qualités célestes, deviendraient le partage d’un cœur égoïste ? et celui que le plus pur amour anime, n’obtiendrait pas même un souvenir ! Non, sur ce fait, je n’en croirai que vous ; s’il est vrai que l’insensibilité, l’ironie, enfin toutes les vertus d’un fat, aient le don de vous plaire, je ne dois plus rien adorer au monde, et vous me verrez fuir désespéré, comme le malheureux dont un profane vient de renverser l’idole. »

Le ton de ce billet offensa Valentine, et, sans pitié pour le sentiment qu’il exprimait, elle ne vit que l’injustice de vouloir dicter des lois sans s’exposer à en recevoir.

— Puisqu’un obstacle que j’ignore, pensa-t-elle, doit me priver éternellement du plaisir de le voir, de