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part se levaient à chaque instant pour aller demander à la comtesse comment elle se trouvait, et cela d’un ton de pitié qui semblait dire : Pauvre femme ! comme elle vous rend malheureuse ! L’une d’elles, moins discrète que les autres, se mit à dire, de manière à être entendue de madame de Saverny :

— C’est une véritable indignité ; jouer un pareil tour à une amie qui vous accueille ainsi !

Fatiguée de toutes ces impertinences, Valentine se serait retirée chez elle, si madame de Nangis n’était venue la prier de faire le whist de trois graves personnes de qui l’âge et le rang réclamaient des attentions particulières, et dont la comtesse était bien aise de s’acquitter, par les soins complaisants de sa belle-sœur. Reléguée, pour ainsi dire, dans un autre siècle, madame de Saverny passa la soirée dans l’ignorance de ce qui occupa le reste de la société ; elle entendit seulement quelques éclats de rire de madame de Nangis, qui lui firent présumer que le chevalier d’Émerange racontait une histoire dont le récit plaisant avait triomphé de la langueur de la comtesse. Lorsque ce long whist fut terminé, le chevalier s’approcha de Valentine, dans l’intention de reprendre la conversation que madame de Nangis avait si tragiquement interrompue ; mais le souvenir de cette scène ridicule inspira à Valentine une si vive frayeur de la voir recommencer, qu’elle s’éloigna du chevalier sans presque se donner le temps de lui répondre. Cet empressement à le quitter