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Plus bas on lisait que le renvoi de cette lettre serait regardé comme l’ordre de n’en plus adresser.

Il serait trop long d’analyser tous les sentiments que fit naître cette lecture ; le plus vif était bien certainement celui dont Valentine n’osait convenir avec elle-même. C’était ce plaisir qui ravit l’âme au premier aveu d’un amour qu’on désire ; c’était cette ivresse du cœur qui trouble la raison au point d’ôter tout souvenir du passé, pour se livrer uniquement à l’espoir d’un avenir enchanteur. Les chagrins, les obstacles, tout disparaît devant l’idée d’être aimée ; on croit sincèrement que l’amour a borné son ambition à cet excès de félicité, et l’on défie le malheur. Heureuse illusion, dont rien ne remplace la perte !

Absorbée dans sa douce rêverie, Valentine se demandait comment Anatole pouvait avoir conçu pour elle un sentiment aussi vif, sans la connaître. À cette question fort raisonnable, son cœur répondait par un retour sur lui-même qui lui expliquait mieux ce mystère que n’auraient pu le faire tous les calculs de son esprit. D’ailleurs, M. de Saint-Albert avait probablement instruit son ami de ce qui l’intéressait, peut-être même s’était-il plu à parer Valentine de toutes les qualités aimables, pour mieux séduire l’imagination exaltée d’Anatole. Ce projet n’avait d’abord été que l’effet d’une plaisanterie fondée sur l’aventure romanesque de l’Opéra ; mais il arrive parfois que le même événement qui fait rire un vieillard fait rêver un jeune homme, et tout prou-