lorsqu’il venait pour ses vacances à Neufmoulins.
— Affreux ? Pas du tout ! Il avait des yeux superbes ! protesta Paulette.
— Bon ! Comment peux-tu prétendre qu’il avait des yeux superbes, puisque tu viens de dire que tu ne te le rappelles pas ? — Cher monsieur — et elle se tourna soudain vers son régisseur — votre façon de laisser dégringoler votre journal m’agace horriblement ! Prenez donc un guéridon, — Thérèse, approche la table !
— Je m’en souviens… sans m’en souvenir, continuait Paule, toute au passé.
— Ça n’est pas très clair ! riposta Mlle Gertrude.
— Non, je sais bien !… J’ai une vague souvenance d’un garçon assez grand, mince, un peu pâle… ses traits sont trop confus pour que je puisse préciser… Mais je vois toujours ses yeux… des yeux noirs superbes ! toujours tristes… oh ! comme ils étaient tristes !…
Mlle de Neufmoulins haussa les épaules.
— Ta mémoire te fait défaut, ma petite, dit-elle ironiquement. Tu n’es pas mieux douée sous ce rapport-là que sous les autres ! Jean de Ponthieu, je te le répète, était un affreux petit bonhomme, une sorte de gringalet, maigriot et pâlot, avec des yeux en boules de loto comme ton Lanchères…
— Oh ! ce n’est pas vrai ! ne put s’empêcher de s’écrier Paulette.
— Tu es polie, ma chère ; je t’en félicite ! Dis-moi donc que j’ai menti ?
— Non, tante Gertrude, ce n’est pas cela que je veux dire ! Mais l’image qui m’est restée là — et la jeune femme mit un doigt sur son front — est si différente de celle que vous me faites, que je n’ai pu m’empêcher de protester. Puis, il était si bon, mon ami Jean, si tendre !… Je me rappelle toujours une petite aventure qui a vivement frappé mon imagination d’enfant. J’adorais, à cette époque, grimper aux arbres.
— Ça ne m’étonne pas, marmotta Mlle Gertrude.
— Un jour que Jean m’aidait à atteindre la branche d’un cerisier, dont les fruits appétissants me tentaient beaucoup, le bois cassa tout d’un