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TANTE GERTRUDE

— Oh ! il n’y a rien à craindre, ça me connaît ; presque tous les jours je me promène sur la pièce d’eau et je dirige la barque comme un véritable batelier.

Mme Wanel et Thérèse, après avoir suivi un moment les évolutions de la fillette et avoir admiré ses mouvements souples et gracieux, se remirent l’une au travail, l’autre à s’éventer nonchalamment, tout en causant de mille sujets.

Tout à coup, un cri perçant les tira de leur conversation. Et Paulette, épouvantée, poussa une exclamation de détresse.

— Oh ! Thérèse ! Madeleine est à l’eau.

Thérèse, blanche comme une morte, était déjà debout.

— Je cours chercher M. Bernard, dit-elle, et elle se précipita dans la direction de l’Abbaye.

Quant à Paule, elle n’avait pas hésité ; habile nageuse, elle s’était mise à l’eau, se dirigeant de toute la vitesse dont elle était capable vers la fillette qui se débattait.

Peu gênée par ses vêtements légers, la jeune femme arriva bientôt auprès de l’enfant qui n’avait pas perdu connaissance et conservait assez de sang-froid pour ne pas entraver les mouvements de sa courageuse sauveteuse.

Comme elles sortaient de l’eau, Jean arrivait tout essoufflé par sa course précipitée, les traits d’une pâleur livide. Paule lui tendit la fillette avec un sourire radieux.

— Emportez-la bien vite, dit-elle, grâce au ciel elle n’a eu aucun mal.

Et elle se sauva du côté du château sans regarder le jeune homme…

Au dîner, Mme Wanel descendit, enveloppée dans une robe de chambre de Thérèse. Elle riait, amusée de son travestissement et de la traîne que faisait le vêtement beaucoup trop long pour elle. Les cheveux encore humides étaient épars sur ses épaules comme une merveilleuse toison d’or et formaient un cadre merveilleux à sa radieuse beauté.

Jean Bernard était là, encore très pâle et si ému qu’il ne pouvait s’empêcher de trembler.

Madeleine, tout emmitouflée, était étendue sur