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TANTE GERTRUDE

« flirter », comme ils disent. Cette Paulette n’aura jamais un grain de bon sens dans la tête ! une poupée ! rien de plus !

Mme Wanel garda-t-elle rancune au jeune régisseur ? Il eut tout lieu de le croire, car à partir de ce jour-là ses visites au château se firent plus rares, et elle paraissait choisir les heures où elle savait ne pas le rencontrer.

Madeleine et Gontran étaient retournés dans leurs pensions pour le dernier trimestre ; la vie de Jean Bernard avait repris son cours ordinaire. Ses soirées se passaient maintenant dans la société de Mlle de Neufmoulins et de Thérèse, qu’il appréciait de plus en plus à mesure qu’il la connaissait davantage. De son côté, la jeune fille se sentait attirée à lui et lui montrait une grande confiance. Elle lui avait parlé de ses projets d’avenir ; elle aimait à le consulter, sûre de trouver chez lui une bonne parole, une consolation lorsque son courage l’abandonnait aux heures où le caractère de sa vieille maîtresse devenait trop pénible. Elle avait avoué à Jean son désir d’entrer au couvent, de se faire religieuse, et l’opposition formelle qu’elle avait rencontrée chez Mlle Gertrude.

— Jamais, avait déclaré la châtelaine, elle n’y donnerait son consentement. Elle n’avait aucune foi en ces vocations qui poussent comme des champignons et disparaissent souvent aussi vite qu’elles ont paru !

Lorsque Thérèse lui objectait timidement son aversion pour le monde et le mariage, la vieille fille haussait les épaules.

— Bah ! on peut avoir le monde en horreur et ne pas entrer au couvent pour cela ! Quant à te marier, à quoi bon ? Tu es trop laide d’abord, et puis le meilleur des hommes ne vaut rien du tout ! Il est donc inutile de s’embarrasser de ce meuble-là, surtout quand on n’a pas le sou. Tu resteras avec moi ; si tu désires faire pénitence, te mortifier, tu n’as qu’à vivre dans ma société ; je suis assez insupportable pour tous ceux qui m’entourent ! Je saurai te faire faire ton purgatoire et tu entreras au Paradis tout droit, aussi bien que si tu passais par le couvent.