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TANTE GERTRUDE

sous les coups de fouet énergiques de son conducteur.

Il frôla et faillit renverser un des jeunes gens qui le poursuivit de ses imprécations furieuses.

— Animal ! butor !

Mais cheval et voiture étaient déjà hors de vue.

— Qu’est-ce que ce rustre-là ? interrogea l’officier.

— L’intendant de ma future tante, répondit M. de Lanchères. N’y touche pas, mon cher, car tu te ferais mal voir de la châtelaine de céans ! elle ne jure que par lui et me le cite dix fois par jour comme un modèle de toutes les vertus !

— En tout cas, il pourrait bien ne pas écraser les gens qui sont sur son chemin, grommela l’officier, toujours irrité. Et surtout, il a effrayé Madame, qui est devenue toute pâle, continua-t-il en regardant Mme Wanel.

— Vraiment, vous avez eu peur, chère ? interrogea poliment M. de Lanchères en se penchant sur sa fiancée.

— Oui… j’ai cru que M. de Saint-Amand était blessé, murmura Paulette.

— Que je l’y reprenne, ce manant, à vous effrayer ainsi ! gronda M. de Lanchères, je lui tirerai les oreilles !

Paulette sourit sans répondre. Elle jeta un regard légèrement ironique sur les formes étriquées de son fiancé, sa poitrine étroite, sa petite taille, ses traits efféminés… Et l’image de Jean, avec sa haute stature, ses épaules larges, son visage mâle et énergique lui apparut soudain… Elle poussa un soupir, tandis qu’une expression un peu triste passait dans ses grands yeux bleus.

Lorsque Mlle de Neufmoulins connut ce soir-là le refus de son régisseur, elle l’approuva avec son sans-façon habituel.

— Vous avez eu raison, la société de tous ces écervelés qui tournent sans cesse autour de ma nièce, et qu’elle appelle son escadron volant, ne convient pas à une enfant de quinze ans. J’aurais agi comme vous à votre place ; Thérèse lui fera beaucoup plus de bien en lui apprenant à fabriquer des caramels ; ça vaut mieux que de s’étudier à