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TANTE GERTRUDE

— Et si hommes d’affaires et marchands te volent comme on a volé ton oncle ?

— Bah ! repartit Paulette en attaquant sa troisième tranche de rosbif, le monde n’est pas si mauvais que vous voulez le dire. D’autre part, ce pauvre M. Wanel était si riche que je ne viendrai jamais à bout de dépenser tout ce qu’il m’a laissé.

En ce moment les veux de Mlle Gertrude tombèrent sur la chaîne d’or qui ornait le corsage de sa nièce, et elle remarqua l’anneau auquel étaient attachées les breloques, que la jeune femme avait si généreusement données à l’enfant.

— Aurais-tu perdu ta montre, Paulette ? interrogea-t-elle vivement.

Mme Wanel regarda sa chaîne.

— Non, ma tante, répondit-elle, la voici. Cet anneau servait à tenir mes breloques.

— Eh bien ! où sont tes breloques ?

— Je les ai données tout à l’heure au petit-fils du vieil Étienne, votre concierge. Oh ! quel ravissant baby, continua-t-elle sans s’apercevoir de l’air furibond de sa tante ; je n’ai jamais vu un si bel enfant. Est-elle heureuse cette Louise d’être la mère d’un pareil chérubin ! Ce doit être si bon d’avoir une de ces mignonnes créatures à caresser, à aimer ! Comme j’en raffolerai le jour où j’en aurai un à moi ! Vous verrez, tante Gertrude, que vous l’adorerez aussi ! Et il sera joli, joli… comme sa maman, continua-t-elle avec son rire perlé d’enfant.

La vieille fille contemplait sa nièce d’un air étrange, tout à la fois furieux et ému. Elle resta un moment silencieuse, et comme Mme Wanel la regardait, étonnée de cet apaisement subit, elle fit un effort sur elle-même et reprit de son ton sarcastique :

— Ce sera une jolie poupée, en effet, si elle ressemble à sa mère ! Franchement, Paulette, c’est dépasser les bornes ! Comment ! tu donnes à cet enfant des bijoux d’une telle valeur ! Mais c’est de la folie toute pure !

— Oui, je sais bien, dit la jeune femme, ce ne sont pas des joujoux bien amusants pour un baby,