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TANTE GERTRUDE

fois à Gontran, son confident habituel, il faut bien l’aimer. Il pourrait être libre et heureux ! il pourrait se marier ! Et à cause de ses deux grands enfants, il restera vieux garçon, tu verras ! Quelle est la famine qui voudrait se charger de famille comme ça, et travailler avec lui pour nous élever ?

Depuis son arrivée en Belgique, Jean avait mis sa sœur en pension à Bruxelles, afin de l’avoir plus près de lui et de pouvoir la faire sortir, aux jours de congé. Quant à Gontran, qui avait un grand désir d’entrer à Polytechnique, il l’avait laissé à Paris, dans le lycée où il faisait ses études, et il ne le voyait qu’aux vacances d’été.

On était au commencement d’août ; Gontran était revenu depuis deux jours, et Jean ramenait sa sœur qu’il était allé chercher à Bruxelles.

C’était un grand bonheur pour les deux enfants que ce retour chez leur frère. Le Castelet, comme s’appelait la maison du régisseur, était une vaste habitation, située au fond du parc, à quelques centaines de pas du château et à l’entrée du bois qui formait une partie de l’immense propriété dont Jean avait la gérance.

Le prince d’A… ne faisait que de rares apparitions dans ce domaine ; il venait parfois avec des amis s’y installer pendant une semaine ou deux à l’époque de la chasse. Quand il avait besoin de le voir, Jean allait à Bruxelles, dans le superbe palais qui était la résidence habituelle du prince. Ce dernier, surpris et charmé de la distinction de son régisseur, l’accueillait toujours avec plaisir, le retenait même souvent plusieurs jours, aimant à s’entretenir avec lui.

Lorsqu’il venait par hasard au château et que les enfants étaient là, il s’intéressait vivement à eux ; la petite Madeleine surtout le ravissait par sa gaieté et ses fines réparties. Il admirait le confort, la bonne entente, le calme reposant de cet intérieur modeste ; le Castelet le charmait et il y passait des heures entières, partageant parfois le repas simple et frugal des jeunes gens. Déjà vieux et souvent souffrant, la gaieté de ces enfants le réconfortait, la vue de la tendresse qui les unissait lui réchauffait le cœur. Il était bien rare que Madeleine, en