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TANTE GERTRUDE

bras ! Mais n’aie pas peur, c’est lorsque je serai toute seule et sûre qu’on ne pourra pas m’entendre. Ah ! voilà le Castelet ! Dieu, que c’est joli ! Qu’elle est ravissante ta maisonnette ! elle me semble encore plus pittoresque à cette époque qu’à Pâques. Et Stop ? Oh ! il me reconnaît ! Oui, mon gros Stop, c’est moi ! c’est la petite maîtresse !

Et la charrette anglaise était à peine arrêtée que la fillette était déjà par terre, caressant l’épagneul qui bondissait autour d’elle, en jappant de toutes ses forces.

Madeleine de Ponthieu avait alors treize ans ; mais, grande et élancée comme elle l’était, on lui en eût donné quinze. Elle était brune, ainsi que son frère aîné, mais c’était la seule ressemblance qui existait entre eux, car leurs traits formaient un contraste frappant. Le jeune homme avait hérité des grands yeux de velours, caressants et un peu tristes de sa mère, tandis que la fillette avait le regard pétillant de malice de M. de Ponthieu. Au moral, la différence était encore plus marquée : grave et souvent silencieux, Jean était plutôt enclin à la rêverie ; Madeleine, étourdissante de gaieté et d’entrain, avait une verve intarissable. Douée d’un esprit vif, elle voyait immédiatement le côté drôle des choses, et ses réflexions toujours amusantes, malicieuses et sans méchanceté, faisaient d’elle un véritable boute-en-train, tandis que sa bonne nature, droite et franche, ses manières sans prétentions, lui attiraient toutes les sympathies.

Jean de Ponthieu adorait sa petite sœur. Depuis six ans qu’il était resté son seul protecteur, il avait toujours veillé sur elle avec une sollicitude continuelle, l’entourant de soins quasi maternels ; l’enfant, qui en était touchée et amusée tout à la fois, l’appelait souvent sa « maman Jean ». Elle avait bien senti que c’était pour elle, et pour Gontran son frère, de deux ans plus âgé, que le jeune homme travaillait sans relâche ; aussi, de son côté, s’efforçait-elle de payer en affection et en tendresse tout ce qu’il dépensait de dévouement autour d’eux.

— Pauvre « maman Jean », disait-elle quelque-