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TANTE GERTRUDE

que Thérèse murmurait tout bas, au milieu de ses larmes :

— Enfin, Paulette, vous allez être heureuse ! le ciel a exaucé mes prières !

Après le déjeuner, pendant lequel l’orpheline avait été mise au courant de tout ce qui s’était passé, on se réunit dans le cabinet de la châtelaine.

— J’ai vécu ici les heures les plus douces et les plus cruelles de ma vie, déclara Paule d’une voix joyeuse, mais encore pleine d’émotion contenue.

— Eh bien, ma petite, il faudra, à l’avenir, faire de cette pièce ton petit salon favori, ton boudoir, comme vous dites, vous autres, jeunes fashionables, répondit Mlle Gertrude, en s’installant dans un fauteuil.

— Oh ! tante Gertrude, je ne voudrais pas vous en priver.

— Ah çà ! crois-tu donc que je vais encore prendre la peine d’administrer votre fortune à tous les deux ? Non, non, ma chère, j’en ai assez de tout cet embarras ! Je vais vous remettre les clefs de cet immense caravansérail, j’y joindrai les deux millions que mon frère vous destinait, puis je retournerai planter mes choux !

Une même protestation s’échappa des lèvres des jeunes gens.

— Ta, ta, ta ! paix, mes tourtereaux ! Mon cher Jean, je me suis donné assez de mal pour toi et pour cette petite personne qu’il fallait dresser selon les désirs de ton cœur, maintenant débrouillez-vous ! Moi, je vais me reposer. Croyez-vous donc, mes enfants, que ce soit pour mon plaisir que j’aie pris la charge de cette fortune ? Vertudieu ! vous ne me connaissez guère ! Moi qui ai horreur de l’argent et de tous les ennuis qu’il nous procure ! Non, non, Gertrude de Neufmoulins mourra pauvre comme elle a vécu ! Vous allez vous dépêcher de vous marier, et ensuite, bonsoir ! je regagne mon vieux nid que j’ai toujours regretté.

— Oh ! tante Gertrude, vous ne ferez pas cela, s’écria Paulette, tout éplorée. Vous resterez avec nous, vous ne nous quitterez jamais. Jean, venez à mon secours, dites à ma tante qu’elle ne peut pas