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TANTE GERTRUDE

— Jean, qu’allons-nous faire ? ce fut d’une voix basse mais ferme qu’il répondit :

— Écoutez-moi, ma bien-aimée.

S’étant encore approché de la jeune femme, il l’attira doucement à lui, si près que la tête de Paule reposait presque sur son épaule, et qu’elle pouvait compter les battements précipités de ce cœur qui lui appartenait tout entier.

— Paule, vous croyez à mon amour ? Vous savez que je vous aime plus que ma vie même ?… Promettez-moi que, quoi qu’il arrive, quoi que je fasse, vous ne douterez jamais de mon affection pour vous…

— Oh ! Jean, pourquoi cette question ?

Et un regard de reproche emplit les yeux candides levés sur le jeune homme. Comme s’il n’eût pas entendu l’interruption, celui-ci continua :

— Paule, je ne puis vous épouser… je n’en ai pas le droit.

Cette fois, ce fut un vrai cri de douleur qui s’échappa des lèvres de Paule, tandis que Jean reprenait, impassible, se raidissant contre l’émotion :

— Il faut oublier ce… beau rêve, et nous séparer !

Puis, comme la jeune femme se dégageait, frémissante, il la força à se rasseoir d’un geste tout à la fois tendre et impérieux, et se laissant tomber à ses pieds, il reprit, tremblant, mais résolu à aller jusqu’au bout :

— Non… ne m’ôtez pas mon courage, Paule, j’en ai tant besoin !… Ayez pitié de ma souffrance… pensez au supplice que j’endure d’être obligé de vous dire ces choses… Soyez forte, ma bien-aimée, et écoutez-moi sans m’interrompre.

Paule, vaincue, cacha son visage dans ses mains.

Mlle de Neufmoulins a raison… Vous ne pouvez être la femme d’un valet… vous vous devez à votre famille, à votre rang… Je partirai, et moi disparu, votre tante oubliera cette… cette malheureuse histoire. Ne vous inquiétez pas à mon sujet… je trouverai une autre situation, Dieu m’aidera !… Si j’étais riche et indépendant, je mettrais ma fortune à vos pieds… Mais je n’ai rien !… Je n’ou-