là, tira de ses vastes poches un portefeuille qui n’avait guère l’apparence d’un livre de comptes. Elle resta plusieurs heures à en compulser le contenu : c’étaient de vieilles lettres jaunies par le temps et un portrait qu’elle ne pouvait se lasser d’examiner sur toutes ses faces, l’approchant, l’éloignant et marmottant à mi-voix, comme c’était son habitude lorsqu’elle était seule.
— Vous êtes là, tante Gertrude ?
La vieille fille tressaillit en entendant la voix de sa nièce. Remettant vivement le portefeuille dans sa poche, elle alla ouvrir.
— Tiens ! te voilà déjà levée ? tu as dû tomber de ton lit, ma chère !
— Je n’ai pas beaucoup dormi, tante Gertrude… et j’ai besoin de vous parler.
— Je t’écoute, ma nièce.
Paule était pâle et paraissait très émue. Elle n’osait lever les yeux sur sa tante, dont elle sentait le regard dur et perçant.
— Quand tu voudras, ma petite, j’attends ! dit enfin cette dernière, après un silence pénible.
— Oui… mais voilà… c’est que…
— Ah çà ! qu’est-ce que c’est que tout ce charabia ? Si tu n’as rien à dire, ce n’est pas la peine de m’ennuyer plus longtemps…
— Oh ! tante Gertrude, s’écria Paule qui avait enfin repris courage, ayez un peu de patience… écoutez-moi… ne vous fâchez pas !
— Mais vertudieu ! je t’écoute ! je ne fais que ça ! Seulement dépêche-toi, tu sais bien que j’ai horreur des phrases entortillées, des chemins détournés ; va au but tout de suite et carrément ! Qu’est-ce que tu veux, enfin ?
Paule, cette fois, leva ses grands yeux caressants sur la vieille châtelaine.
— Je veux me marier, ma tante.
— Ah ! tu consens ? Ce n’est pas malheureux !
— Oui… mais pas avec M. Le Saunier.
— Hein ?
Et Mlle Gertrude se rapprocha encore de sa nièce pour mieux la dévisager.
— Tu dis ?… Avec qui alors ?
— Avec celui que j’aime depuis que j’ai un