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TANTE GERTRUDE

riante et radieuse, elle s’inclinait avec une grâce charmante à droite et à gauche, répondant aux saluts des amis de son mari. Celui-ci, bouffi d’orgueil, les oreilles agréablement chatouillées par le murmure d’admiration que soulevait sur son passage la merveilleuse beauté de sa compagne, se redressait d’un air vainqueur. Serré à éclater dans son habit, la figure congestionnée, les veines du cou gonflées, il exultait !

Enfin ! elle était à lui la belle Paule de Neufmoulins, la descendante de cette vieille famille, une des plus anciennes du pays, et dont la noblesse remontait aux croisades ! Par sa femme, il allait pénétrer dans ce monde de fiers aristocrates qu’il comptait bien éblouir de son luxe et de son or !

Et tandis que là-haut l’orgue lançait ses notes les plus vibrantes et les plus joyeuses, l’industriel emmenait celle qui venait de lui donner sa foi et qui serait à lui pour toujours…

La foule se précipitait maintenant au dehors pour voir la mariée monter dans l’élégant coupé, entièrement tapissé de lilas blancs, qui l’attendait devant le porche de l’église.

L’étranger qui avait pu enfin se frayer un chemin s’éloigna, emportant comme en une vision la jolie tête blonde encadrée dans un fouillis de fleurs et de tulle vaporeux… Un sentiment de tristesse indéfinissable s’était emparé de lui. Il hâta le pas pour regagner son hôtel, comme s’il eût voulu chasser au plus vite les tristes réflexions que ce mariage lui faisait faire.

Mais en se retournant au coin de la rue pour jeter un dernier regard sur le cortège, il tressaillit et s’arrêta, étonné. Que se passait-il donc là-bas ? Un rassemblement nombreux s’était formé autour de la voiture des mariés ; des curieux sortant des maisons venaient se joindre aux groupes, la foule grossissait de minute en minute. Assurément, il était arrivé quelque chose. Des personnes se détachaient maintenant et couraient de tous côtés ; un domestique arrivait en ce moment auprès du jeune homme.

— Qu’y a-t-il donc ? interrogea celui-ci.

— Un affreux malheur, monsieur ! Notre maître