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TANTE GERTRUDE

J’irais à lui et lui dirais tout ce qu’il est pour moi… Je lui dirais comment il a transformé mon esprit, mes goûts, mes aspirations, mon âme tout entière… Il saurait quels nobles sentiments il m’a inspirés par ses exemples, son caractère si grand, sa nature si élevée… Je lui offrirais tout ce que je posséderais, et je voudrais avoir tant à lui donner !… Puis, tout bas, je lui demanderais de m’aimer un peu en retour…

— Paule !

L’émotion de Jean avait été si forte qu’il n’avait pu y résister. Et il était tombé à genoux aux pieds de l’adorée, laissant ce nom aimé s’échapper de ses lèvres, tandis qu’éperdu il appuyait son front brûlant sur le bras du fauteuil…

— Jean !

Ils s’étaient alors avoué leur amour. Pendant deux heures, ils avaient tout oublié : la vieille châtelaine, M. Le Saunier, le monde entier avait disparu pour eux. Ravi, Jean contemplait dans une sorte d’extase l’adorable créature qui avait toujours occupé son cœur, et qu’il retrouvait dans tous ses souvenirs… Il ne pouvait se lasser de l’entendre.

— C’est bien vrai, Paule, que vous m’aimez ?

— Oui, Jean. Je n’ai jamais aimé et je n’aimerai jamais que vous… Je ne savais pas ce que c’était que d’aimer avant de vous connaître.

— Mais je suis pauvre, ma bien-aimée.

— Qu’importe, Jean ! Je le suis autant, sinon plus que vous ! La pauvreté à vos côtés ne m’effraie pas, je la préfère mille fois à la fortune avec un autre.

— Et votre tante ?

Paule avait tressailli à ce nom qui la rappelait soudain à la réalité.

— Ma tante ?…

— Oui… Croyez-vous qu’elle consente jamais à vous laisser épouser son intendant ?

Et Jean Bernard appuya avec intention sur ce dernier mot.

Mais la jeune femme le regarda de ses grands yeux clairs et francs.