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TANTE GERTRUDE

Gertrude ne veut plus de moi… elle me chasse… et je suis venue vous demander conseil.

Puis, tandis que le régisseur, bouleversé, la faisait entrer dans son cabinet et l’installait dans un fauteuil, elle lui contait sa peine ingénument, avec un abandon plein de confiance, ne cherchant même pas à cacher les larmes qui coulaient sur son beau visage défait.

— Cela dure depuis trois mois, vous le savez bien ; depuis ce mariage auquel je n’ai pas voulu consentir. Tante Gertrude en a été furieuse… elle ne peut me pardonner d’avoir refusé ce parti superbe… et elle me martyrise sans relâche ! J’ai essayé d’être patiente, de tout supporter sans me plaindre, mais elle m’a dit des choses si dures !… sans cesse elle me jette à la face que je suis pour elle une lourde charge… Et maintenant, c’est fini !… Mais que faire, que vais-je devenir ?

Jean écoutait, navré… Cette voix tendre dans laquelle vibrait une note si plaintive lui allait au cœur !

Paule leva sur lui ses grands yeux humides.

— Thérèse, de son côté, ne savait plus que me conseiller. Elle aussi, la pauvre chère, elle a tant à subir !… Elle ne voit pas pour moi d’autre issue que de consentir à cette union… Mais non, je ne peux pas !… Si vous saviez, monsieur Jean, — et le jeune homme, profondément troublé par la douceur avec laquelle Paule prononçait son nom, baissait la tête pour cacher son émotion, — si vous saviez comme vous avez modifié mes idées au sujet du mariage… Je ne voyais pas, avant de vous connaître, ce que je vois maintenant… je ne me doutais même pas de ce que j’éprouve… Mes yeux étaient pour ainsi dire fermés… aujourd’hui, ils s’ouvrent, et que de choses nouvelles ils découvrent !

Jean Bernard, bercé par la douceur infinie de cette voix caressante, n’osait relever la tête, craignant de se trahir, de laisser lire son amour dans ses prunelles ardentes.

Paule continua :

— Peut-être, il y a un an, aurais-je pu épouser celui que tante Gertrude me propose. Mais il est