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TANTE GERTRUDE

vous qu’une… affaire ? En ce cas, c’est différent, et il n’y a pas à hésiter. Si le marché est avantageux, si l’affaire est bonne, il faut la bâcler tout de suite, ne pas laisser échapper une pareille occasion !…

Un silence pénible suivit ces paroles, prononcées d’une voix cassante.

Mme Wanel, toute songeuse, paraissait examiner avec attention le registre place devant elle, mais, en réalité, sa pensée était bien loin. Quant au régisseur, il s’était remis à son travail dans une indifférence affectée… sa main tremblait si fort qu’il ne parvenait pas à tracer un chiffre !

— Alors, monsieur Jean, — Paule parlait doucement et avec une certaine hésitation, sans même lever les yeux, — quand vous vous marierez, c’est que vous aurez, rencontré une jeune fille que vous aimerez, et qui vous ai… dont…

— Dont l’affection répondra à la mienne ? Oui, madame… Mais ce jour-là ne viendra jamais !

Et une expression de mélancolie passa sur les traits sévères du régisseur.

— Vous n’aimerez jamais, monsieur Jean ? interrogea curieusement Paulette en enveloppant le jeune homme de son regard caressant.

— Oh ! je n’ai pas dit cela, madame. Nous ne sommes pas maîtres de notre cœur ; où il va il faut le suivre. Mais si j’aimais, ce serait pour moi un véritable malheur, car ce ne serait que pour souffrir. Je ne puis pas me marier…

— Pourquoi ? demanda candidement Mme Wanel.

Jean Bernard hésita. Sa voix semblait toute changée, comme il répondait en baissant la tête devant les grands yeux pleins de tendresse attachés sur lui.

— Parce que ma vie appartient à mes deux enfants… parce que je suis pauvre… et cela ne suffit pas ! La compagne qui consentirait à accepter mon nom devrait aussi accepter le seul legs que mes parents m’aient laissé. Il faudrait qu’elle travaillât avec moi pour nourrir ces enfants, les élever… C’est une charge trop lourde pour, de jeunes épaules… Où trouverais-je jamais pareille