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TANTE GERTRUDE

— Oui ! Comme vous m’aimez et comme vous aimez votre tante !

— Un peu plus, peut-être ! dit gaiement Paulette, de son air espiègle.

— En tout cas, le pauvre garçon sait bien que son amour ne pourra jamais être autre chose qu’une affection toute platonique. Mme Wanel, le jour où elle se remariera, n’ira pas prendre pour époux l’intendant de sa tante.

Et l’orpheline ne quittait pas du regard le visage mobile et expressif de son amie.

Celle-ci était devenue rêveuse ; l’image de Jean Bernard, avec ses traits distingués mais un peu hautains, avec ses yeux sombres, avec ce grand air répandu sur toute sa personne, s’était dressée subitement devant elle…

— Non… assurément non ! avait-elle répondu d’un ton vague, d’une voix hésitante.

— Il le comprend bien, continua Thérèse, avec sa logique implacable, et c’est pourquoi il ne vous parlera jamais de son amour.

Longtemps après le départ de sa compagne, Paulette était restée pensive, préoccupée. Ingénument coquette, elle se promettait bien d’arracher au jeune régisseur, un jour ou l’autre, l’aveu de son affection… Non, sans doute, il ne pouvait être question de mariage entre eux !… Mais, savoir qu’elle était aimée de cet homme si sérieux, si distingué, la flattait délicieusement, et son cœur battait comme il n’avait jamais battu à la pensée de le revoir.

— Es-tu là, Paulette ?

La voix perçante de sa tante la tira brusquement de sa douce rêverie.

— Tu ne pourrais pas répondre au moins quand on t’appelle ? Voilà une heure que je m’évertue à crier ton nom du haut en bas de la maison !

— Oh ! tante Gertrude, je ne vous avais pas entendue.

— Tu dois être diablement sourde, alors ! Je viens de recevoir une visite qui te concerne, continua la vieille demoiselle en s’asseyant sur le fauteuil que sa nièce lui avait avancé.

— Une visite, par ce temps ?