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TANTE GERTRUDE

CHAPITRE XI


Une véritable tempête de vent, de grêle et de pluie s’était déchaînée depuis plusieurs jours, obligeant les habitants de Neufmoulins à rester enfermés dans le château.

Paulette, debout à la fenêtre de sa chambre, contemplait l’eau qui tombait à torrents et qui, poussée par la rafale, frappait les vitres avec violence.

— C’est le déluge ! murmura-t-elle. Mon ami Jean ne pourra jamais quitter l’Abbaye ! Il lui faudrait une barque pour arriver jusqu’ici ; et pourtant j’aurais tant voulu le voir aujourd’hui !

Thérèse venait de quitter son amie, et celle-ci était encore sous l’impression de ce qu’elle avait, appris… Jean Bernard l’aimait !… Avec une joie d’enfant, elle ne pouvait se lasser de se répéter ces paroles à elle-même.

Elle avait travaillé toute la matinée dans la lingerie avec l’orpheline et, prise soudain d’un de ces besoins d’épanchement qui lui étaient naturels, elle lui avait avoué sa jalousie le soir de Noël, l’intervention de Jean Bernard et la chaleur avec laquelle il avait défendu Thérèse. Cette dernière, profondément émue, s’était à son tour laissée aller à des confidences : elle avait dit l’amour ardent du régisseur pour elle, Paule ! le culte silencieux qu’il lui avait voué, la place qu’elle tenait dans son cœur. Et la jeune femme, avec un étonnement dans ses grands yeux bleus, écoutait ravie ces aveux qui mettaient une rougeur à ses joues et soulevaient sa poitrine…

— Mais pourquoi ne m’a-t-il pas dit tout cela, mon ami Jean ? demandait-elle naïvement.

— Grande enfant ! répondait Thérèse, en sonnant et en haussant légèrement les épaules devant la candeur de son amie ; est-ce qu’on parle de ces choses ? Il ne vous le dira jamais !

— Pourquoi ? Moi aussi, je l’aime !