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TANTE GERTRUDE

À ce moment, un bruit de faïence brisée les fit se retourner.

— Sotte ! maladroite ! gronda la voix criarde de Mlle Gertrude, s’élevant à son diapason le plus aigu. Qu’avais-tu besoin de toucher à cette potiche ? La voilà en pièces, maintenant ! Quand je te disais que tu n’étais bonne à rien qu’à donner de l’embarras ! Pourquoi faut-il qu’une idiote de ton espèce me soit ainsi retombée sur les bras !

La châtelaine de Neufmoulins continua longtemps sur ce ton, ajoutant mille autre aménités du même genre, sans souci de ceux qui l’écoutaient et du supplice infligé à sa nièce, cause involontaire du désastre.

Quant à Paule, elle recevait en silence ce déluge de sottises exagérées. Très pâle, elle se tenait appuyée à un des buissons de verdure ; elle ne paraissait même pas entendre. Un frémissement nerveux agitait ses lèvres et faisait trembler ses paupières obstinément baissées.

Son silence ne fit qu’irriter sa tante qui continua avec une nouvelle âpreté :

— Quand tu resteras là, les bras ballants, à regarder le dégât causé par ta maladresse, tu ferais mieux d’en ramasser les débris ! Mais tu es encore trop grande dame pour ça, bien sûr !

Thérèse, qui avait écouté toute peinée, cette violente sortie, se précipita pour enlever les malheureux morceaux, mais Jean Bernard l’avait devancée. Sans un mot, il écarta la jeune fille d’un geste très doux, mais très impérieux en même temps, et allant auprès de la cheminée, il sonna : une bonne parut.

— Ramassez tout cela, dit-il, simplement, mais de ce ton de commandement qui lui semblait naturel ; et faites disparaître bien vite toute trace de ce petit accident.

Paule avait-elle entendu ? Toujours debout à la même place, elle semblait pétrifiée : son regard fixe comme celui d’une hypnotisée dévisageait Thérèse avec une expression étrange, tandis que cette dernière, penchée vers le régisseur, lui exprimait à voix basse sa gratitude pour ce qu’il venait de faire. Soudain, d’un mouvement automatique,