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TANTE GERTRUDE


CHAPITRE X


— Nous irons bientôt à la noce, ma nièce, c’est moi qui te le dis ! Les affaires marchent entre nos deux tourtereaux ! Ça chauffe, je t’en réponds !

Et Mlle de Neufmoulins sortit en riant et en se frottant les mains, tandis qu’elle jetait sur Mme Wanel un regard plein de malice.

Oui, ça chauffait, comme le disait la vieille fille. Paulette, elle aussi, s’en était aperçue et, à en juger par son air préoccupé, son attitude pensive, elle était loin d’en éprouver la satisfaction témoignée par la châtelaine. Elle en souffrait même étrangement et, depuis quelque temps, elle se sentait prise parfois d’une véritable antipathie pour Thérèse. N’ayant rien à reprocher à son amie, elle était presque honteuse de ces sentiments ; elle rougissait de la jalousie qui grondait au fond de son cœur lorsqu’elle surprenait les deux jeunes gens causant à voix basse et s’interrompant à son approche. Le regard de Jean, si doux, si tendre, lorsqu’il se posait sur l’orpheline, lui faisait mal à voir. Elle s’en étonnait, s’en désolant comme d’une petitesse d’esprit qu’elle ne se connaissait pas et dont la cause lui échappait. Ne devait-elle pas, au contraire, se réjouir de voir son amie dont elle appréciait la bonté et les solides qualités, trouver une affection digne d’elle ? Pourquoi n’était-elle pas heureuse à la pensée de ce mariage qui assurait l’avenir de Thérèse ? Autant de questions que Paulette se posait sans pouvoir y répondre ! Elle ne savait qu’une chose : c’est que les assiduités de Jean auprès de Thérèse lui faisaient un mal affreux… Elle souffrait comme elle n’avait jamais souffert, comme elle ne croyait pas qu’on pût souffrir, voilà tout !

La réflexion de sa tante venait encore de raviver sa jalousie. Tout était sens dessus dessous depuis quelques jours à Neufmoulins. La châtelaine, sur