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Ces noms, en y ajoutant celui de Carnot, représentent à peu près les trois nuances où l’on trouvait encore des personnes qui conservaient la liberté d’un silence public sur l’empereur, et toute l’indépendance de leur parole privée ; car c’était un acte d’opposition que de se taire sur le maître, quand on écrivait ou que l’on parlait. On voit, en 1811, le rapporteur de la classe des lettres signaler cette lacune dans le Génie du Christianisme, et le ministre de la police, écrivant à madame de Staël, a grand soin de lui dire que ce n’est pas le genre de délit dont cette fois elle est accusée. « Il ne faut pas chercher la cause de l’ordre que je vous ai signifié, dans le silence que vous avez gardé à l’égard de l’empereur dans votre dernier ouvrage : ce serait une erreur ; il ne pouvait pas y trouver une place qui fût digne de lui. » Parole d’un enthousiasme irréprochable pour le maître, mais d’une convenance équivoque et d’une politesse controversable à l’égard d’une femme que son talent et ses malheurs auraient dû faire traiter avec plus de ménagements.

Hélas ! toute médaille a son revers ; c’était le revers de la brillante médaille de l’empire frappée par la victoire. Nous l’avons dit, la conduite du gouvernement impérial n’était guère plus libre à cet égard qu’à l’égard de cette guerre perpétuelle, interrompue seulement par quelques trêves, pendant lesquelles les armées reprenaient haleine. Il n’y a qu’un gouvernement incontestable par son principe et de plus tempéré, qui puisse supporter le voisinage des intelligences libres et