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lord Byron dans ses courses poétiques, comme il devait lui laisser le type de René pour modèle. Les Martyrs, publiés en 1809, n’obtinrent pas le succès du Génie du christianisme. Les circonstances n’étaient plus les mêmes : le gouvernement, favorable à M. de Chateaubriand en 1802, lui était contraire en 1809. Les journaux, qui contribuent tant au succès des livres s’ils ne le font pas, ne pouvaient soutenir l’auteur : les Débats avaient été confisqués. Hoffmann critiqua vivement l’ouvrage ; puis, comme l’auteur le fait remarquer avec raison dans ses Mémoires, il est rare qu’en France la malignité et la jalousie supportent deux succès consécutifs. Plus tard, en 1811, l’empereur tenta de ramener à sa cause l’écrivain rebelle aux menaces de sa puissance comme aux séductions de sa gloire et aux promesses de sa fortune, en le faisant nommer à l’Académie française, lorsque Marie-Joseph Chénier laissa un fauteuil vacant par sa mort. Ce fut en vain. Le discours du récipiendiaire, qui était une censure éloquente jetée aux principes politiques de Chénier et au régicide, ricochait, comme un boulet meurtrier, contre une partie des dignitaires de l’empire, entachés du meurtre de Louis XVI, et contre l’empereur lui-même, depuis qu’il avait laissé tremper le pan de son manteau dans le sang du duc d’Enghien. La commission académique devant laquelle M. de Chateaubriand avait été appelé à lire son discours, le repoussa presque à l’unanimité. L’empereur voulut en prendre connaissance ; il en ratura de sa main une grande partie, et fit rendre