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des intelligences appuyées sur les principes religieux et monarchiques, et sur un sentiment élevé du devoir et de l’honneur, comme M. de Chateaubriand qui, à l’époque du meurtre juridique du duc d’Enghien, avait donné sa démission de chargé d’affaires dans le Valais, poste auquel le consul Bonaparte avait appelé l’auteur du Génie du christianisme, qui venait de quitter le cardinal Fesch, ambassadeur à Rome. Cette démission audacieusement donnée qui, pour arriver jusqu’à Bonaparte, traversa le silence universel, ne fit pas seulement honneur à M. de Chateaubriand ; elle valut à la littérature française un ouvrage qui continua et compléta le Génie du christianisme : les Martyrs, épopée historique, dont la pensée avait été conçue sur les ruines du Colisée, arrosé du sang chrétien, et qui était destinée à raconter les victoires de la religion chrétienne sur le paganisme, des victimes sur les bourreaux, d’Eudore sur Cymodocée, furent le fruit du long pèlerinage du poëte démissionnaire. S’embarquant le 14 juillet 1806, M. de Chateaubriand avait visité l’Italie, la Grèce, Smyrne, la Terre sainte, qui lui inspira l’Itinéraire à Jérusalem, l’Égypte, une partie de l’Afrique, et il était rentré en France le 5 mars 1807, précédant ainsi

    de ses saillies sur l’empereur. Il était lié d’une étroite amitié avec M. de Narbonne, aide de camp de celui-ci ; plus d’une fois il dit à l’aide de camp, devant des ministres qui le matin venaient le voir : — « Comment va ton Tibère ? — Si l’empereur était un Tibère, répondait M. de Narbonne en souriant, il y a longtemps que tu aurais cessé de l’appeler ainsi. »