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on n’agissait pas sous ses ordres. Le second mot n’est pas moins remarquable que le premier. On demandait au général La Fayette ce qu’il avait fait pour ses opinions, sous l’empire ; il répondit : « Je suis resté debout. » Rester debout au milieu d’hommes agenouillés ou inclinés, c’était le dernier effort des esprits fermes et des cœurs intrépides, effort assez rare dans ce temps d’énervement et aussi d’affaiblissement moral ; car le scepticisme, après avoir tout ébranlé dans la sphère religieuse, avait remplacé, chez la plupart des hommes, les passions révolutionnaires dans la sphère politique. On ne croyait plus guère à rien qu’au besoin de faire sa fortune, ou de la conserver si elle était faite ; la plupart croyaient en outre à la fortune de l’empereur, et les esprits sagaces, qui conservaient en secret quelque incrédulité sur la durée de cette fortune prodigieuse, faisaient semblant d’y croire. On compterait, dans ce temps, les têtes levées, les hommes demeurés debout, selon le mot de M. de La Fayette, soit dans le camp du philosophisme, soit dans le camp opposé. C’étaient quelques esprits comme le sien, à convictions roides et fortes, ou au caractère marqué au coin de la philosophie stoïque, comme M. Destutt de Tracy qui trouvait, dans des traditions de race et l’énergie d’un caractère vigoureusement trempé, une fermeté qui semblait en contradiction avec la triste philosophie du sensualisme dont il était l’adepte[1]. Puis venaient

  1. M. Destutt de Tracy poussa, jusqu’à l’injustice, la liberté