Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/89

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tion ; son sang s’était calmé dans ses veines en s’épuisant. Les illusions qui l’avaient soutenue dans les sentiers âpres et difficiles où elle avait marché, s’étaient peu à peu envolées ; elle avait laissé ses espérances, une à une, aux ronces et aux épines du chemin. Tant d’horreurs commises au nom de la liberté l’avaient accoutumée à la pensée du pouvoir absolu d’un seul, pourvu qu’il fût intelligent et protecteur. De leur côté, les partis, après avoir tant souffert, avaient des blessures à cicatriser, et un despotisme impartial était pour eux un progrès. La génération nouvelle, qui avait grandi au milieu des orages révolutionnaires, aspirait à un état plus calme et plus régulier ; elle était dégoûtée des spéculations politiques venue après celle de 89, elle ressemblait un peu à l’expérience au pied boiteux, comptant tristement les débris sur les traces de l’espérance, qui n’aperçoit ni le passé loin duquel son vol l’emporte, ni le présent qu’elle effleure de ses ailes, l’œil tourné vers un avenir qu’elle n’atteindra jamais.

Les choses étaient donc merveilleusement disposées pour l’omnipotence de Bonaparte : la situation convenait à son génie, comme son génie à la situation. À tous les avantages qu’il devait à son caractère, à son talent, à sa renommée, qui marchait devant lui en aplanissant les voies, venait s’ajouter cette condition suprême du succès, l’à-propos. Mais ce n’est pas seulement parce qu’il ne pouvait et ne voulait laisser que des libertés bien restreintes aux idées, que la littérature de l’empire a quelque chose de secondaire et de