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idées. Cependant, cette trêve est plus apparente que réelle. On n’aperçoit guère la lutte intellectuelle, d’abord parce qu’elle est fortement contenue, ensuite parce que l’attention est ailleurs.

Il y a des conditions à la dictature. La première de toutes, c’est de ne pas être discutée. Ce n’était donc pas une affaire de choix pour le premier consul devenu empereur, que ce joug imposé à la presse ; c’était un acte inévitable dans les conditions du nouveau pouvoir qu’il venait de créer. Une dictature qu’on discute ou sous laquelle on discute, cesse d’exister ; pour qu’un seul homme commande, il faut qu’il soit le seul à parler. Les idées étaient donc fortement contenues sous l’empire, celles auxquelles Joseph de Maistre, Chateaubriand, Bonald, avaient prêté l’appui de leur talent, comme celles de leurs adversaires. Après tant de controverses qui n’avaient pu amener un dénoûment dans les faits, et cette lutte intellectuelle qui avait partagé les esprits, naguère presque exclusivement dominés par le philosophisme, un homme de force et de gloire était venu, et, de la pointe de son épée, il avait imposé silence à tout le monde, et s’était hardiment offert pour gouverner cette société, qui prolongeait depuis dix ans sa longue polémique sur le gouvernement. Il faut dire que la lassitude générale des esprits les disposait à accepter un pouvoir de conquête et de fracas au dehors, d’organisation et de silence au dedans. La génération si ardente et si passionnée de 89 avait été décimée par les catastrophes successives de la révolu-