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entre elles par tant de côtés, on ne peut les ramener à cette unité systématique et absolue.

On ne gouverne point avec des abstractions, mais avec les réalités vivantes. Il faut donc bien tenir compte des temps et des circonstances, et prendre les influences où elles sont, sauf à favoriser toujours, dans la mesure du possible, les éléments de durée que contient la société, sans entreprendre de changer en un jour son esprit, et sans vouloir jeter toutes les nations dans le même moule. Les lois, et c’est là peut-être l’erreur principale de l’illustre penseur, n’ont pas toute l’influence qu’il leur prête ; elles ne règlent que les actions extérieures des hommes, et ne pénètrent point jusque dans le for intérieur de leurs volontés. Même avec des lois, on ne gouverne point une nation contre son esprit ; hélas ! c’est le roi qui avait fait la plus triste et la plus éclatante expérience de cette vérité[1], qui l’a exprimée pour l’instruction de l’avenir. Le système politique de l’auteur de la Législation primitive est plutôt un idéal qu’il faut avoir présent à l’esprit pour s’en rapprocher, en tenant compte du génie particulier des peuples, de leurs besoins révélés par leur histoire, de leurs mœurs, de leurs traditions, de leurs progrès, qu’une règle pratique qu’on puisse appliquer uniformément, dans tous les temps et dans tous les lieux, à toutes les sociétés.

Qu’il y ait donc quelque chose de trop absolu dans

  1. Louis XVI, dans sa lettre aux princes émigrés.