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temps, ce ministre de Dieu, qui fait lentement des choses durables.

Il y a une remarque générale à présenter sur la théorie sociale de M. de Bonald. Nul doute qu’au point de vue logique, elle ne soit conforme à la vérité. Une société formée d’éléments permanents, surtout s’ils ne sont pas exclusifs, est mieux organisée pour la durée, et l’histoire l’a prouvé souvent, elle est plus fortement constituée pour la lutte. Mais la logique pure n’est guère applicable à l’histoire, et il est bien rare que la distribution des fonctions sociales puisse être faite d’une manière aussi tranchée, disons le mot, aussi géométrique que l’illustre penseur le suppose : dans les mains de la royauté, le droit absolu de gouvernement et de législation ; dans les mains d’une noblesse héréditaire mais recrutée par toutes les nouvelles existences qui se créent, le droit exclusif d’administration ; partout ailleurs, l’obéissance. L’imperfection humaine, qui fait qu’on abuse de ses avantages, ne s’accommode point de la perfection de ce système. Il faudrait que les personnes sociales eussent toujours les vertus de leur mission et les qualités de leur rôle ; or M. de Bonald lui-même, dans un Traité du ministère public, où il cherche à résumer tout le mouvement de notre histoire, est obligé de reconnaître combien la réalité reste loin de l’idéal. La formule qu’il énonce est donc vraie en théorie ; mais dans la pratique, elle n’est applicable que dans la mesure de l’état social de chaque nation et, comme les nations diffèrent