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pouvoir ait reçu la loi du peuple, et il n’existe pas même de peuple avant un pouvoir. » Il dit encore avec non moins de sens : « La société est paternité et dépendance, bien plus que fraternité et égalité. » Cela est vrai : la société n’est au fond qu’une hiérarchie dans laquelle les existences individuelles viennent prendre une place proportionnelle à leur force, d’après des lois que l’homme n’a point faites et qu’il est obligé de subir ; et la société a commencé avec le monde, car au commencement il y eut une famille : l’état naturel, c’est donc l’état social. C’est ainsi que M. de Bonald arrive à opposer à la théorie de la souveraineté du peuple cet axiome : « La souveraineté est en Dieu ; » principe fondamental dont il déduit cette règle « Le pouvoir est de Dieu. »

Ici quelques explications sont nécessaires. Quant à la doctrine de la souveraineté divine, elle n’est pas contestable, et il n’y a guère au fond que les athées qui l’aient combattue. Ce mot de souveraineté, en effet, appliqué à l’homme qui est le sujet de tant de lois plus fortes que sa volonté, et souvent le jouet de tant de circonstances qui la dominent, a quelque chose de vain et de dérisoire. Quand, au lieu de s’en tenir à la forme, on va au fond des choses, on voit combien il est faux que le gouvernement sorte de la souveraineté du peuple, même dans les républiques où l’on consulte le peuple à ce sujet : il sort d’une situation ou d’un concours de circonstances qui obligent le peuple à se prononcer, dans le sens où il se prononce. Le peuple,