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tendu. La faculté de penser est native en nous, puisqu’elle est nous-mêmes, et qu’on ne peut concevoir un homme sans faculté de penser ; mais l’art de parler est acquis et nous vient des autres, puisqu’on voit des hommes qui ne parlent pas parce qu’ils n’entendent pas parler, et qu’on voit parler tous les hommes qui entendent parler les autres. L’un et l’autre sont inséparables dans leur opération mutuelle, et s’exercent simultanément. De là ces passages de J. J. Rousseau : « L’esprit ne marche qu’à l’aide du discours…, et la parole me paraît avoir été fort nécessaire pour inventer la parole. »

Depuis cette démonstration, achevée par les développements remarquables sur lesquels elle est appuyée, aucun argument de quelque valeur en faveur de l’invention du langage par l’homme ne s’est produit dans le monde intellectuel. Or, cette vérité de la révélation primitive du langage est grosse de conséquences philosophiques et morales du plus haut intérêt ; elle détruit de fond en comble tout le système de Locke et de Condillac sur l’origine des idées. Si le langage a été révélé à l’homme, comme le langage contient des idées, il y a eu une révélation primitive d’idées. Or, le Créateur étant à la fois éminemment sage et éminemment bon, les vérités nécessaires à l’intelligence humaine se trouvaient comprises dans cette révélation. Il y a donc une source d’idées supérieure à l’homme, et le langage en a conservé le dépôt plus ou moins altéré, mais sans être jamais complétement détruit, et la parole, communi-