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M. de Bonald. Le premier consul, qui avait lu l’exemplaire de la Théorie du pouvoir, que l’auteur lui avait envoyé, le raya de la liste des émigrés. Alors le proscrit put quitter sa retraite et recueillir les épaves de son patrimoine presque tout entier confisqué. Il alla habiter la petite terre de Monna, et prit une part active à la vive polémique de la presse périodique, avec Chateaubriand, Fontanes, Delalot, La Harpe, dans le Mercure de France et le Journal des Débats, qui donnaient l’assaut aux idées de la révolution. Ce fut la dernière phase d’une période éclatante pour la presse périodique, ce pouvoir singulier que la France tantôt favorise jusqu’à l’idolâtrie, tantôt rejette avec colère, car elle ne sait rien faire à demi.

La Législation primitive se ressent un peu des allures que dut prendre le talent de M. de Bonald, en intervenant dans ce combat journalier, et l’on reconnaît, jusque dans la contexture du livre, les difficultés qu’il a eues à vaincre, pour faire entrer dans le même cadre des éléments dont quelques-uns avaient déjà paru séparément. Il n’y a rien de plus difficile à mener à bien que ces reconstructions littéraires faites après coup, et qui doivent relier des morceaux d’origine et de dates diverses, qui n’ont pas tous été composés sous la même inspiration ; mais on comprend aussi l’effort d’un esprit élevé, pour donner à des travaux d’un intérêt durable une vie plus longue que celle des journaux, ces éphémères de la littérature, où les idées brillent d’un éclat si vif et si court. M. de Bonald, avant d’écrire la Lé-