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sonne, qu’il commença l’Essai analytique, le Divorce considéré au dix-neuvième siècle, et enfin la Législation primitive qui ne fut publiée qu’en 1802. La Théorie du pouvoir avait été condamnée au pilon par le gouvernement directorial, qui avait fait saisir toute l’édition de cet ouvrage, envoyée de Constance à Paris. À son arrivée dans cette ville, M. de Bonald eut la curiosité de connaître par lui-même la destinée de son livre, et se présenta à la police sous un nom supposé ; un des employés supérieurs de cette administration le conduisit dans une vaste salle, espèce de nécropole littéraire, où étaient entassés les débris des ouvrages condamnés à cette lamentable destinée. M. de Bonald aperçut un exemplaire de la Théorie du pouvoir qui surnageait au milieu de ce cataclysme, à côté d’un ouvrage obscène ; il ne put s’empêcher de s’écrier : — « Pardieu ! je péris ici en bien mauvaise compagnie. » À ce cri échappé aux entrailles paternelles, l’employé reconnut l’auteur. Heureusement, cet employé n’était point un méchant homme, et d’ailleurs tout le monde se trouvait d’accord, sous ce singulier gouvernement, pour désobéir aux lois, surtout ceux qui les faisaient ou qui étaient chargés de les faire exécuter ; il dit en souriant à M. de Bonald : « Je sens que l’épreuve était trop forte pour un père, mais je lui promets d’être discret. » Et il lui laissa emporter l’exemplaire si singulièrement sauvé du naufrage.

La journée du 18 brumaire (9 novembre 1799) vint apporter une notable amélioration dans la position de