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les idées de ce célèbre penseur et les siennes[1], est un des trois chefs de la réaction intellectuelle qui se manifesta au sortir des années les plus mauvaises et les plus sanglantes de la révolution française, contre le mouvement des idées du dix-huitième siècle. Il descendait d’une noble et ancienne famille du Rouergue, et plusieurs de ses aïeux avaient occupé les premières charges de la magistrature dans le parlement de Toulouse. Son père, officier dans le régiment de Condé, avait fait les campagnes d’Italie sous les maréchaux de Coigny et de Broglie en 1734. Louis-Gabriel-Ambroise de Bonald, né en 1754, était donc à la fois de race militaire et judiciaire. Élevé par les oratoriens de Juilly, il était entré, au sortir de ses études, dans les mousquetaires, et il conserva toute sa vie deux souvenirs du temps où il porta cet uniforme : dans les derniers jours de la vie de Louis XV, c’était lui qu’on chargeait de préférence d’aller chercher le mot d’ordre sous les rideaux du roi, parce qu’il avait eu la petite vérole ; la première fois qu’il vint prendre l’ordre du nouveau roi, après la mort de Louis XV, la reine Marie-Antoinette laissa tomber sur le jeune mousquetaire un regard bienveillant, et lui adressa quelques

  1. M. de Maistre écrivait à M. de Bonald, en 1818, après la publication des Recherches philosophiques : « Est-il possible que la nature se soit amusée à tendre deux cordes aussi parfaitement d’accord que votre esprit et le mien. Si jamais on imprime certaines choses, vous retrouverez jusqu’aux expressions que vous avez employées, et certainement je n’y aurai rien changé. »