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amitié intellectuelle fondée sur l’identité des convictions et sur la communauté des efforts. Séparés dans l’espace, ils se rencontrèrent dans le même milieu intellectuel, et ils s’aimèrent, sans s’être jamais vus, comme des soldats qui, dans des contrées diverses combattent pour la même patrie et sous le même drapeau. S’il y a, comme nous le croyons, des familles dans l’ordre intellectuel aussi bien que dans l’ordre naturel, on peut dire que l’esprit de M. de Bonald était de la famille de l’esprit de Joseph de Maistre plutôt que de la famille de l’esprit de Chateaubriand. Cet illustre philosophe a écrit dans la Législation primitive, au sujet du Génie du christianisme, ces lignes qui indiquent les tendances de son esprit et la nature de son talent : « Les personnes qui aiment les preuves de sentiment en trouveront en abondance, ornées de toutes les pompes et de toutes les grâces du style, dans le Génie du christianisme. La vérité, dans les ouvrages de raisonnement, est un roi à la tête de son armée un jour de combat ; dans l’ouvrage de M. de Chateaubriand, elle est comme une reine au jour de son couronnement, entourée de tout ce qu’il y a de magnifique et de gracieux. » C’est dire que l’auteur de la Législation primitive employait plutôt les armes du raisonnement que les influences du sentiment, et qu’il cherchait bien plus à convaincre qu’à toucher.

M. de Bonald, avec M. de Chateaubriand et avec M. de Maistre qui, professant pour lui une estime particulière, s’étonna souvent du rapport qui existait entre