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cette matière, déjà touchée dans les Considérations sur la France, traité dans lequel il s’efforce de mettre en lumière cette proposition : « L’homme ne peut faire une constitution, et une constitution légitime ne saurait être écrite. » La constitution d’une nation, en effet, c’est sa manière d’être ; les constitutions ont donc quelque chose de divin, car c’est Dieu qui donne aux nations leur manière d’être, que la volonté humaine entreprendrait en vain de changer. Les chartes écrites sont impuissantes sur ce point. Les nations ne se donnent point toutes les libertés qu’elles s’attribuent. Elles ont beau remplir la coupe, la capacité de la coupe n’est pas toujours celle de l’estomac du convive. Il y a donc un grave danger à vouloir rédiger des idées a priori en constitution, et les philosophes sont plus impropres que d’autres à cette besogne, parce qu’ils ont des idées systématiques et une espèce d’idéalisme politique auquel ils veulent plier les réalités vivantes. Ils font des constitutions idéales pour l’homme, en général, qui ne tiennent aucun compte des besoins des hommes pour lesquels ils travaillent en particulier. Les idées n’expriment que l’état des esprits, ou même de certains esprits, dans un moment donné, et les constitutions devraient être l’expression de l’état permanent des choses, des conditions essentielles et durables de l’être social et national dans un pays. Il en résulte que, les idées venant à changer, une lutte s’établit entre la constitution idéale et écrite et la constitution réelle qui se compose des aptitudes et des ha-