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jouer dans la troupe révolutionnaire ? » lui demande une femme de sa connaissance. — « Dans tout mélodrame, il faut un niais, » reprend la maîtresse de la maison.

Le plus célèbre et le plus influent de tous ces salons, il est vrai, celui de madame de Staël, ne fut ouvert qu’un moment ; la mort ferma trop tôt ce salon européen, neutralisé par l’amour des lettres et l’attrait qu’excitait la femme illustre chez qui tous les pays comme toutes les opinions se rencontraient, pour écouter une conversation qu’un poëte a comparée à une ode sans fin[1]. Mais d’autres asiles demeurèrent ouverts aux lettres, à la philosophie, à la politique. Madame Récamier, que des revers de fortune avaient obligée d’aller habiter une petite cellule de l’Abbaye-aux-Bois, hérita, on peut le dire, du salon de madame de Staël, dont elle avait été la constante et fidèle amie. Cette femme accomplie dont l’empire sur la société avait survécu à la cause qui l’avait fait naître, car elle avait été si belle, qu’on ne s’aperçut qu’elle était pleine de sens et d’esprit que lorsque le premier éclat de cette merveilleuse beauté eut un peu pâli, attira dans son modeste réduit les hommes les plus éminents de la restauration et les opinions les plus opposées. « Non-seulement la petite chambre du troisième de l’Abbaye-aux-Bois fut toujours le but des courses des amis de madame Récamier, dit la duchesse d’Abrantès ; mais, comme si le prodigieux pouvoir d’une fée eût adouci

  1. M. de Lamartine.