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de fantaisie. Cet homme assassiné sans qu’on ait pu le sauver, dont l’agonie est demeurée sans consolation comme la mort sans vengeance, qui n’a pu être protégé moralement par les lois, sauvegardé matériellement par la force publique, ni assisté dans ses derniers moments par la religion ; cet homme, pour lequel l’ordre judiciaire n’a rien pu, quoiqu’il ait tout tenté ; cet homme, dont la vie a été tranchée par la main d’un de ses serviteurs, et qui a vu l’outrage posthume de fâcheuses insinuations affliger sa mémoire ; cet homme, vous l’avez nommé : c’est lui qui attaquait tout dans la société : les lois, l’ordre judiciaire, le clergé, la force publique, l’autorité et les instruments de l’autorité, la hiérarchie des rangs et l’honneur des familles : c’est Paul-Louis Courier[1].

  1. Le 10 avril 1825, on trouva Courier assassiné dans son bois de Larçay, situé en Touraine. Le magistrat qui releva son corps, M. Valmy Bouic, substitut au tribunal de Tours, constata qu’il était percé de plusieurs balles. Frémont, garde particulier de Courier, soupçonné d’avoir commis le crime, fut mis en jugement, mais acquitté à l’unanimité, le 3 septembre 1825. Un grand mystère continua à planer sur cette mort pendant cinq ans, et l’esprit de parti, qui est implacable, ne manqua point de rappeler la prédiction de Courier, et d’attribuer l’assassinat à des motifs politiques. Mais, au mois de juin 1830, une nouvelle instruction, un nouveau procès, firent apparaître la vérité. « Il devint clair pour tous, dit M. de Sainte-Beuve dans une de ses Causeries, que cette mort n’était point un coup de parti ni une vengeance politique ; mais le guet-apens et le complot de domestiques grossiers, irrités et cupides, voulant en finir avec un maître dur et de caractère difficile. » Voici ce qui amena ce nouveau procès. Une bergère du lieu, la fille Grivault, dont les mœurs dé-