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jours ; à mesure qu’une main le soulevait, il retombait plus impénétrable. Un mystère étrange environnait le crime, et les ténèbres croissaient avec les efforts qu’on faisait pour les dissiper. Le zèle des parquets était vain, la sagesse des tribunaux inutile. Le rayon de lumière qu’on avait cru saisir échappait, et l’on rentrait dans la nuit. Ce procès déconcertait toutes les prévisions, trompait tous les calculs. Il y avait dans tout ceci quelque chose d’inouï et d’indéfinissable. Il y avait là un homme assassiné dont la mémoire criait vengeance ; on sentait, on devinait l’assassin, et cependant on ne pouvait pas dire : « C’est lui ! »

D’effroyables lumières venaient quelquefois à briller, de terribles révélations jaillissaient dans les audiences. Si l’on en croyait ces révélations, le meurtrier aurait été le serviteur de l’homme assassiné ; le coup serait parti d’une main qui aurait dû l’écarter ; le crime aurait eu pour mobile des sentiments en contradiction directe avec toutes les idées de hiérarchie sociale. Ce n’est pas tout encore : on voit l’instruction mettre au jour les tristes dissensions de l’intérieur et ces plaies de famille sur lesquelles il faudrait jeter un voile. Les chastes ombres qui cachent la vie domestique sont éclairées ; ces ténèbres discrètes qui constituent l’inviolabilité de l’existence privée sont dissipées. La partie la plus intime des annales personnelles est livrée au grand jour, et de tristes mystères apparaissent.

On a compris, dès le début de ce récit, que le tableau que nous venons de tracer n’est pas un tableau