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rale ; le duel de l’exception contre la règle. Il réunit dans son talent les avantages et les inconvénients de cette position une fois prise. Il est original, vif, piquant, spirituellement paradoxal, plein de verve, de saillies ; mais il manque d’autorité et de hauteur comme de largeur dans les vues. C’est un chicaneur admirable, mais c’est un mauvais logicien.

Ici une considération morale se présente pour fermer le tableau de la vie et du talent de ce grand pamphlétaire qui fut un si petit esprit.

La guerre que Courier avait déclarée à la société n’était point, vous le savez, une guerre d’avant-poste : c’était une guerre universelle. Tout ce qui était social lui était antipathique. Dans une haine qui s’élargissait jusqu’à l’infiniment grand et se rétrécissait jusqu’à l’infiniment petit, il embrassait depuis le roi jusqu’au garde champêtre, en traversant tous les degrés intermédiaires de l’échelle, pour descendre du sommet à la base. Il avait attaqué d’abord la royauté comme symbole et type de l’existence du pouvoir social ; il avait attaqué la force armée comme le bras de ce pouvoir ; il avait attaqué le pouvoir judiciaire comme l’émanation du pouvoir royal, qui n’est lui-même que la forme politique, la personnification princière de cette puissance sociale représentée par une famille incontestée. Ses attaques contre le pouvoir judiciaire n’avaient rien épargné ; toute la hiérarchie avait passé sous le feu des épigrammes. Le sel du Pamphlet des pamphlets avait été aussi cuisant que le sel des chansons de Béran-