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faire ; et, comme au début de la religion chrétienne, l’avenir était contre les bourreaux et pour les martyrs. Disons tout d’un mot : le philosophisme, après avoir pu tout ce qu’il voulait, et voulu tout ce qu’il pouvait, succombait, par la plus irrémédiable des impuissances, celle de la toute-puissance. C’est là ce que Joseph de Maistre constatait dès 1796, en lisant dans le triomphe matériel des idées philosophiques du dix-huitième siècle leur défaite morale, et en annonçant la résurrection de l’autorité religieuse et de l’autorité politique, qui semblaient à jamais ensevelies sous les débris.

Pour bien comprendre l’impression que produisirent sur les esprits élevés ces nouveautés hardies, il faut se rappeler la prodigieuse débauche d’idées et de faits à laquelle cette génération venait d’assister. Il se fit, dès lors, dans les hauteurs intellectuelles une réaction latente vers les idées de religion, de morale, de pouvoir, et tout l’édifice philosophique du dix-huitième siècle commença à craquer. On était, en effet, en 1796, et tant de tentatives pour établir un gouvernement libre, tant de sacrifices, tant d’efforts, tant d’utopies, aboutissaient au directoire, ce gouvernement qui avait épuisé l’arbitraire sans pouvoir arriver à l’autorité. Les esprits étaient profondément désenchantés. L’expérience avait donné d’éclatants démentis à toutes les théories de l’âge précédent. C’est ce qui explique la hardiesse avec laquelle le comte de Maistre porte la main sur tous les principes politiques et philosophiques