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livres de plomb et de toises de pierres ; il fit, pour ainsi parler, l’autopsie du château de Chambord. Il donna, pour le détruire, les plus mauvaises raisons du monde, développées dans un style étincelant d’esprit et tout pétillant de malice. Le voyez-vous, le grand helléniste, le voilà tout à coup devenu docteur ès sciences agronomes. Il plaint l’agriculture spoliée du terrain occupé par ce beau monument, comme si les terres à cultiver et même les terres à défricher manquaient en France, et il calcule le nombre des pommes de terre qu’on pourrait planter sur un chef-d’œuvre. Tout est de cette force dans cette étrange philippique. Il n’a pas fallu moins que les passions du temps, le prodigieux esprit de l’auteur et la forme littéraire qui couvre ses sophismes, pour faire lire et accréditer des pauvretés pareilles. Que si l’on demandait pourquoi cette grande haine contre le château de Chambord, nous serions tenté de vous répondre que Paul-Louis Courier était ennuyé de voir le toit de la demeure de François Ier s’élever au-dessus de son toit. Il n’aimait pas Chambord par la même raison qui lui faisait haïr la royauté, parce que Chambord tenait trop de place. C’était un roi de granit que ce monument, et Paul-Louis Courier n’aimait ni les empereurs ni les rois. Sa maison lui semblait sans doute plus petite, quand il avait passé devant la façade colossale du château ; son existence s’amoindrissait à ses yeux, quand il avait considéré ce cadre immense d’une existence royale ; il aurait dit volontiers, du fond