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puissance d’impulsion, de direction, manqua dans les régions gouvernementales, il fallut que Dieu, pour sauver la France, fit, en sa faveur, un miracle, et lui envoyât Jeanne d’Arc. Mais le pamphlétaire n’a point la perception de ces choses ; il hait l’unité, l’autorité, la hiérarchie, et poursuit partout et toujours tout ce qui leur ressemble.

Cette singulière disposition d’esprit éclate dans tous ses pamphlets ; cette haine de tout ce qui est organisé, c’est-à-dire de tout ce qui est classé, embrasse, non-seulement la royauté, le clergé, l’aristocratie, la magistrature, l’administration, mais l’armée. Il y a dans un des pamphlets de l’auteur une sorte de plan tracé contre l’Europe en cas d’invasion, et il se félicite, en commençant, de ce que la France n’est plus défendue ni par le grand empereur ni par son invincible garde. À la manière dont ces mots sont jetés, on aperçoit la trace de l’antipathie que nourrissait l’écrivain, comme nous l’avons dit, contre la hiérarchie militaire forte et arrêtée de l’empire. Ce qui lui déplaisait dans l’armée, c’était précisément ce qui le choquait dans l’organisation sociale, c’est-à-dire l’organisation même. Il proposait de remplacer le système de guerre des nations civilisées par le système de guerre des Hurons et des Mohicans. Il voulait faire de la France un tirailleur, chacun combattant comme il l’entendrait : qui derrière un buisson, qui dans un fossé, qui à l’abri d’un mur, une espèce de combat singulier où chacun serait à la fois soldat et général. Voilà l’étrange moyen que proposait