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Si, dans le génie de Paul-Louis Courier, il y avait un reflet de la manière d’Aristophane et de celle de Lucien, cela est vrai non-seulement pour le style, mais pour l’ordre des idées. L’auteur du Pamphlet des pamphlets peut être mis en effet à côté de l’auteur des Nuées, sans trop d’injustice, soit que l’on considère le mal qu’il a fait, soit que l’on envisage les trésors d’esprit et de malignité qu’il a dépensés pour le faire. Quant à Lucien, on connaît les vives allures de cet esprit satirique et hardi, dont la phrase audacieuse allait attaquer les dieux sur leurs autels et dont l’ironie encyclopédique s’attachait à tous les sujets. Malgré ce mérite littéraire qu’il ne faut pas songer à contester, il importe d’ajouter que, si le talent de l’écrivain était remarquable, l’intelligence de l’homme était rétrécie par la vanité. Si l’on voulait examiner de près les fautes qui ont perdu les intelligences les plus élevées de ce siècle, il faudrait remonter à cette source. À défaut des grandes passions qui ont suscité les égarements des âges précédents, celle-ci a été le mobile de presque toutes les erreurs de notre âge. Cette passion s’exprime, chez Paul-Louis Courier, par une tendance invincible à approuver tout ce qui peut déclasser la société, et par conséquent la désorganiser. Toute distinction qu’il n’avait pas lui pesait comme une injure, et tout honneur qui s’adressait à un autre semblait, en passant, le blesser au front, tant il portait haut la tête. Il aurait voulu que la société fût un vaste pêle-mêle, de manière à ce qu’aucune supériorité sociale n’existant, il ne de-